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La physique plonge dans le grand bain

Le 15 mai. 2024
La natation est l’une des disciplines dans laquelle la France pourrait bien se distinguer aux Jeux Olympiques de 2024. Dans cette optique, la science aide les athlètes à optimiser leur pratique via des modèles physiques basés sur l’enregistrement de nombreux paramètres de nage. Thomas Brunel effectue son doctorat entre le laboratoire d’hydrodynamique (LadhyX*) et l’Ecole des ponts**. Ses travaux visent notamment à mieux comprendre la gestuelle des nageurs en compétition lors des phases de départ.
La physique plonge dans le grand bain
© École polytechnique - J.Barande

En quoi l’étude scientifique de la pratique des athlètes de haut niveau est-elle utile, notamment ici, en natation ?

La science apporte une compréhension de la physique en jeu lors d’une épreuve de natation et donne des clefs aux entraineurs comme aux athlètes pour améliorer leurs performances. Dans le cadre de ma thèse, je m’intéresse aux phases de départs, particulièrement prépondérantes sur un 50 mètres nage libre par exemple. Ces 15 premiers mètres de course représentent en effet à eux seuls 30% du temps de l’épreuve et tous les nageurs n’emploient pas les mêmes techniques. Certains ondulent plus que d’autres, les coulées sont différentes et l’ensemble impacte le résultat à l’arrivée. Cela signifie qu’il existe pour chaque nageur donné, à un instant t, une façon optimale de négocier un départ. Il convient alors d’étudier un ensemble de paramètres que le nageur pourra faire évoluer avec l’entrainement. C’est à ce stade que la science intervient.

Comment étudiez-vous ces paramètres ?

Avec la bonne volonté des athlètes ! Nous leur demandons de se soumettre à trois tests. Le premier est un départ sans poussée contre le mur, au cours duquel le sportif accélère le plus vite possible jusqu’à sa vitesse maximale. Il nous permet de déterminer les forces de propulsion et de trainée impliquées en surface. Lors du deuxième test, le nageur doit onduler une fois qu’il a atteint un mètre de profondeur. Il est alors possible de déterminer les mêmes forces en jeu, mais sous l’eau. Enfin, lors du troisième test, l’athlète s’élance d’un plot et doit se laisser avancer le plus loin possible, ce qui nous permet de déterminer sa capacité à glisser lorsqu’il est passif. Ces expérimentations ont lieu à l’Institut national du sport, de l’expertise de la performance (Insep) où nous disposons du système de tracking vidéo en bassin développé dans le cadre du projet Sciences 2024. Grâce à un ensemble de caméras sur et sous-marines, il est possible de reconstituer une vue latérale de la piscine et d’enregistrer de nombreux paramètres sans gêner l’athlète. Les vidéos captées sont assemblées puis traitées informatiquement par un réseau de neurones entrainés à repérer les données sensibles pour les nageurs. Elles sont alors analysées et mises à dispositions des équipes sportives.

Que mettent en avant ces travaux ? 

Les deux premiers tests ont révélé que très peu d’athlètes sont capables d’aller aussi vite (ou plus vite) sous l’eau qu’au-dessus. En effectuant de longues ondulations sous-marines, ils finissent par passer sous leur vitesse de nage en surface. Nous avons alors réalisé qu’une partie de nos nageurs passait trop de temps en coulée au regard de leur capacité à se propulser sous l’eau. Cette observation nuance l’idée selon laquelle il est plus facile de se déplacer rapidement sous la surface, et donc préférable de privilégier de longues coulées. Remonter pile à l’issue des 15 premiers mètres de course n’est donc pas la meilleure stratégie à adopter. Nous avons pu établir un modèle physique représentant la trajectoire du nageur sur cette distance. Il décrit le départ depuis le plot, une phase de nage sous-marine passive, une phase sous-marine active puis une phase de nage en surface. 

Quelles perspectives ouvrent vos travaux ?

Actuellement, notre modèle ne fait qu’orienter les nageurs vers une stratégie de départ à adopter. Pour l’affiner et être en mesure de délivrer « la bonne formule », nous allons le confronter aux techniques utilisées par Florent Manaudou, Maxime Grousset et Mélanie Hénique en réalisant une série de tests et de mesures avec eux. En effet, au vu de leurs performances, les techniques de départ de ces nageurs élites sont considérées comme optimisées. Nous serons donc en mesure de valider notre travail lorsque l’algorithme confirmera que leurs méthodes sont optimales. Notre modèle aura un sens physique et il sera possible de le proposer aux athlètes qui n’ont pas encore perfectionné leur stratégie de départ. 

 

*LadHyX : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, 91120 Palaiseau, France

** Thomas Brunel est également rattaché au laboratoire d’hydraulique Saint-Venant, commun EDF R&D – Ecole des Ponts Paris Tech.