Optimiser les prothèses pour les athlètes de para saut en longueur
Lorsqu’ Élodie Doyen choisit de débuter un doctorat, elle s’oriente naturellement vers la physique appliquée au sport, un domaine qui la passionne. Rapidement, elle réalise que sa formation d’ingénieure généraliste, avec une composante en biomécanique et génie sensoriel, pourrait profiter aux para sports et bénéficier aux para athlètes. Son doctorat, préparé à l’Institut Polytechnique de Paris et plus précisément au sein de l’Institut des sciences de la mécanique et applications industrielles (IMSIA*), a consisté à optimiser les prothèses tibiales (c’est-à-dire pour les personnes amputées au niveau du tibia), afin de permettre aux athlètes paralympiques pratiquant le saut en longueur d’augmenter leurs performances, tout en minimisant le risque de blessure. Aujourd’hui, Élodie Doyen est ingénieure de recherche à l’ENSTA Paris. Elle poursuit son travail en développant un outil accompagnant la médecine dans la conception d’emboiture de prothèses de membres inférieurs.
Son projet s’est inscrit dans le cadre de Science2024, un programme de recherche collectif dédié à l'accompagnement des athlètes à l’approche des Jeux Olympiques de Paris, et ce principalement grâce à la physique, la mécanique et les mathématiques. Au cours de sa thèse, Élodie Doyen a travaillé en collaboration avec des athlètes de saut en longueur amputés au niveau du tibia, au nom desquels Dimitri Pavadé, vice-champion paralympique aux Jeux de Tokyo en 2020. Tous utilisent une prothèse constituée de trois parties : une emboîture par laquelle la prothèse est fixée au membre amputé, une lame en fibres de carbone, et une semelle qui vient en contact avec le sol lors des foulées.
Le travail de recherche d'Élodie Doyen a alors consisté à optimiser deux éléments de la prothèse : la semelle, pour augmenter la performance de saut, et l’emboîture, afin d’améliorer le confort des athlètes et de réduire le risque de blessures qui lui sont associées. Pour perfectionner la semelle, la jeune chercheuse (encore doctorante à l’époque) a travaillé sur l’absorption des vibrations et des chocs du saut ainsi que sur la forme de cette partie de la prothèse. Objectif : aider les athlètes à faire basculer la prothèse plus efficacement à chaque foulée. Côté emboiture, elle a notamment mis au point une méthode de mesure des pressions qui s’exercent sur le moignon, sans pour autant gêner le sportif dans son mouvement. La mesure s’effectue en plaçant des capteurs dans le manchon, une pièce en silicone qui s’enfile entre le moignon et l’emboîture. Sur la base de ces données et avec l’aide de prothésistes, la forme de l’emboîture pourra alors être adaptée à la morphologie de chaque athlète. « À terme, cet outil de mesure pourrait aussi aider tous les amputés des membres inférieurs, indépendamment de la pratique sportive de haut niveau », explique la jeune scientifique.
De la physique du sport à la bande dessinée…
Fin 2022, alors en troisième année de thèse, Élodie Doyen décide de postuler à l’initiative « Sciences en bulles » - portée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et le syndicat national de l’Édition - afin de vulgariser sa thèse en bande dessinée et de contribuer à la diffusion de la connaissance scientifique. Sa candidature avait été sélectionnée pour figurer parmi les dix sujets de doctorat de l’ouvrage, alors consacré à la thématique « La science et le sport ». En parallèle de la rédaction de son manuscrit, elle a donc travaillé à formuler sa recherche en des termes compréhensibles par le grand public, afin qu’elle soit adaptée en bulles par l’autrice de bande dessinée documentaire Héloïse Chochois. « J’apprécie de pouvoir rendre accessible des connaissances scientifiques, notamment par des analogies », conclut la jeune femme, toujours en quête de nouveaux projets appliqués au sport et d’actions de vulgarisation.
*IMSIA : une unité mixte de recherche CEA, CNRS, EDF, ENSTA Paris, Institut Polytechnique de Paris, 91120 Palaiseau, France