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Trois thèses récompensées par l’Institut Polytechnique de Paris

Le 16 juin. 2021
Les travaux de doctorat de Clémence Tricaud en économie, d’Ambre Bouillant en physique des fluides et de Boris Muzellec en mathématiques obtiennent le prix de thèse de l’Institut Polytechnique de Paris.
Trois thèses récompensées par l’Institut Polytechnique de Paris

Lors de la première cérémonie de remise des diplômes de doctorat qui a eu lieu en ligne le 17 juin dernier, trois prix de thèse ont été remis à Clémence Tricaud, Ambre Bouillant et Boris Muzellec pour leur travaux de doctorat effectués à l’Institut Polytechnique de Paris. Des mentions ont été également décernées à Jaouad Mourtada, Guillaume Graciani, Vincent Corlay et Emile Parolin. C’est la première édition de cette distinction. Pour Benoît Deveaud, qui pilote la commission de recherche de l’Institut Polytechnique de Paris « les travaux récompensés sont de haute qualité. Les lauréats ont fait preuve dans leur recherche d’une grande originalité et ont obtenu des résultats très remarqués dans leurs domaines respectifs. »

Clémence Tricaud. Economie politique et économie publique

Comment mieux comprendre le comportement des électeurs et des élus ? Ainsi peut-on formuler l’interrogation au cœur des travaux de thèse de Clémence Tricaud, effectués à l’École polytechnique sous la direction de Pierre Boyer et Bruno Crépon. En s’appuyant à la fois sur un grand travail de recueil de données administratives et sur l’utilisation de méthodologies quantitatives, Clémence Tricaud s’est penchée sur la question du vote expressif, c’est-à-dire le fait de choisir son bulletin en fonction de ses préférences, par opposition à un vote stratégique ou « utile ». En comparant les résultats selon que deux ou trois candidats se présentent au second tour des élections législatives et départementales françaises – élections où il peut y avoir des triangulaires – ses travaux montrent qu’une fraction significative d’électeurs votent de manière expressive et que cela a un impact considérable sur le résultat des élections. En particulier, la présence d’un troisième concurrent au second tour conduit à la perte du candidat qui, parmi les deux premiers, était le plus proche idéologiquement du troisième, et ce dans près de 20% des cas. Clémence Tricaud a également étudié les effets des résultats électoraux passés sur les choix de vote présents. Les résultats montrent que le classement des candidats au premier tour a un impact fort sur leur chance de victoire au second tour, les électeurs ayant une préférence à voter pour la personne arrivée en tête. Enfin, à travers l’analyse des politiques publiques, la thèse de Clémence Tricaud fournit des explications sur la réticence des maires à rejoindre des intercommunalités, attribuable aux conséquences locales de cette intégration plutôt qu’à des raisons idéologiques. Ces travaux de doctorat ont notamment donné lieu à un article publié dans la revue internationale Econometrica, reconnue comme l'une des cinq meilleures revues d'économie au monde. Ses résultats sur le vote ont des implications importantes pour le choix des règles électorales, tandis que ses travaux sur l’intercommunalité pourraient utilement conseiller la mise en place de nouvelles politiques publiques. Deux notes pour l’Institut des politiques publiques ont d’ailleurs été publiées par la chercheuse, nommée depuis professeure à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA).

Boris Muzellec, le transport optimal pour les sciences des données

En 1781, dans son Mémoire sur la théorie des déblais et des remblais, le mathématicien Gaspard Monge se demandait comment déplacer de la terre d’un endroit à un autre, de la manière la plus rapide - ou la moins fatigante - possible pour les hommes attelés à cette tâche. Il posait ainsi le problème, ardu à résoudre, du « transport optimal », dont les outils mathématiques ont été développés ensuite au XXe siècle et appliqués, entre autres, en logistique et en économie. Dans sa thèse, effectuée à l’ENSAE sous la direction de Marco Cuturi, Boris Muzellec a perfectionné ces outils pour les sciences des données, et plus particulièrement pour l’apprentissage automatique. Ce dernier nécessite en effet de pouvoir comparer entre elles deux distributions de probabilités -l’équivalent des déblais en remblais-qui décrivent des données. Il s’agit par exemple de comparer la distribution des données observées, comme des images, avec la distribution d’un modèle qui génère des images similaires. Le transport optimal a cependant des limites, le calcul étant en particulier très difficile à mener pour des distributions continues à hautes dimensions. Les travaux de Boris Muzellec contribuent à contourner ces difficultés, en particulier en utilisant la géométrie dite de Bures-Wasserstein pour régulariser le problème du transport optimal ou pour régulariser les données. Ses travaux ont été présentés dans les conférences les plus reconnues du domaine, telles NeurIPS et ICML. Il poursuit désormais un post-doctorat dans l’équipe SIERRA du Laboratoire d’informatique de l’Ecole normale supérieure.

Ambre Bouillant. Mieux comprendre la caléfaction

En 1756, le docteur allemand Johann Gottlob Leidenfrost découvre un effet surprenant : une goutte d’eau posée sur un support chauffé à plus de 200°C, n’entre pas en contact avec lui. Elle lévite sur un petit coussin formé par sa propre vapeur, ce qui lui confère une mobilité sans pareille. Si près de 300 ans plus tard, nous pouvons tous observer cet effet sur nos poêles à cuire, certains aspects de phénomène demeurent encore mal compris. Dans son travail de thèse effectué sous la direction de David Quéré et Christophe Clanet au sein de La Compagnie des interfaces au Laboratoire d’Hydrodynamique, Ambre Bouillant a exploré de multiples facettes de l’effet Leidenfrost, aussi appelé caléfaction. La contribution majeure de ses travaux concerne les propriétés dynamiques de ces gouttes en caléfaction dont la mobilité hors du commun ne s’explique pas simplement par l’absence de contact permise par le coussin de vapeur. En disséminant des traceurs au sein des gouttes on constate que des écoulements internes très intenses se mettent en place : lorsque cette goutte s’arrondit en s’évaporant, ces écoulements ne forment qu’un seul rouleau qui tourne alors comme le ferait une roue. Mais, pour qu’une roue avance, il lui faut tirer parti des frottements au niveau du contact avec son sol. Or les gouttes en caléfaction sont exemptées de frottements. Les travaux d’Ambre Bouillant ont montré que les écoulements internes inclinent la base des gouttes. Tout se passe alors comme si la goutte glissait le long d’une pente sans fin, qu’elle crée spontanément en basculant sa base. Ce travail, récompensé par deux prix vidéo, est paru dans Nature Physics. D’autres contributions de la thèse d’Ambre Bouillant, notamment sur les pulsations étoilées de gouttes caléfiees, sont encore en cours de publication, et la chercheuse a entre-temps rejoint l’Université de Twente (Pays-Bas) en post-doctorat.

A propos des prix de thèses

L’Institut Polytechnique de Paris décerne chaque année trois prix de thèses aux étudiants ayant produit les meilleurs travaux de doctorat et ayant réalisé des contributions importantes dans les champs de recherches suivant : physique ; biologie et chimie ; information, communication et électronique ; informatique, données et intelligence artificielle ; ingénierie, mécanique et énergétique ; économie, management et sciences sociales ; mathématiques.