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[REFLEXIONS] Le changement climatique : de la prise de conscience à la gouvernance

Le 22 mai. 2023
Face à une urgence climatique dont le constat scientifique est étayé et documenté depuis des décennies, une gouvernance mondiale inédite a été mise en place, sous la houlette des Nations Unies. Alertés par les rapports successifs des experts scientifiques du GIEC (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat), les gouvernements des pays signataires de l’Accord de Paris s’engagent vers la neutralité carbone. Mais le rythme de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre sera-t-il à la hauteur de l’un des défis majeurs du XXIe siècle ?
[REFLEXIONS] Le changement climatique : de la prise de conscience à la gouvernance

De l’alerte scientifique au défi politique  

L'existence d'un changement climatique provoqué par les activités humaines est suspectée dès la fin du XIXe siècle. Svante Arrhenius affirme en effet en 1896 que le dioxyde de carbone (CO2), émis en quantité depuis la Révolution industrielle, s'accumule dans l'atmosphère et contribue à l'effet de serre, avec pour conséquence un déplacement de l'équilibre thermique terrestre. Les modélisations numériques du climat, qui apparaissent à la fin des années 1970, vont apporter une confirmation éclatante à ces intuitions prémonitoires. Depuis, les sciences de la Terre n'ont cessé de fournir de nouvelles preuves du réchauffement climatique global, des calottes glaciaires polaires aux sommets des glaciers andins. 

En 1979, les politiques s'emparent pour la première fois du sujet. La Maison Blanche commande à l'Académie des sciences américaine une « synthèse des connaissances sur l'impact possible des activités humaines sur le climat ». Le rapport Charney qui en découle pointe le rôle des combustibles fossiles et de l'utilisation des sols, et alerte sur les risques liés à la modification du climat. Il faut attendre 1988 pour que le GIEC soit créé dans le cadre de l'ONU, dans le but « d‘établir un diagnostic vis-à-vis du rôle potentiel des activités humaines sur le climat ». La publication du premier rapport du GIEC en 1990 ouvre la voie à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), « Convention climat » adoptée lors du « Sommet de la Terre de Rio » en 1992, en même temps que la Convention sur la diversité biologique (CDB) et la Convention sur la lutte contre la désertification (CLD). Entrée en vigueur le 21 mars 1994, la CCNUCC est ratifiée depuis par 198 pays, appelés Parties à la Convention. Son objectif ultime est de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre « à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique ».

La gouvernance mondiale de l'action climatique

Les prémices d'une gouvernance mondiale en matière de climat sont désormais posées. Les différentes nations s'engagent, au travers de la Convention climat, à prendre de manière concertée, des « mesures de précaution pour prévoir, prévenir ou atténuer les causes des changements climatiques et en limiter les effets néfastes ». Leurs décisions politiques vont pouvoir s'appuyer sur les recommandations du GIEC, dont deux groupes de travail sont consacrés à ces axes cruciaux que sont l'adaptation des sociétés au changement climatique et l'atténuation de ses causes anthropiques : les émissions de gaz à effet de serre (GES). Le troisième axe étant la collecte et la synthèse de l'information scientifique.

Ainsi, en 1997, les pays signataires du protocole de Kyoto s'engagent à réduire leurs émissions de GES, avec des objectifs chiffrés individualisés dépendant du niveau de développement économique. À chaque pays de mettre en œuvre les politiques et les mesures adéquates pour atteindre ses objectifs, à condition de fournir des rapports annuels. Par ailleurs, des mécanismes permettent aux « pays les moins avancés » de poursuivre leur développement économique tout en limitant l'augmentation de leurs émissions. 

Signé à la conférence des Parties de 2015 (COP21) , l'Accord de Paris jette de nouvelles bases pour la lutte contre le changement climatique. « Alors que le Protocole de Kyoto était normatif, l'Accord de Paris est juridiquement contraignant », souligne Ekaterina Ghosh, étudiante au Master Economics for Smart Cities and Climate Policy à l’École polytechnique (École membre de l'Institut Polytechnique de Paris ), même si les pays fixent leurs propres objectifs, ils s'engagent à fournir les meilleurs efforts d'atténuation dans ce qu'on appelle leurs CDN (contributions déterminées au niveau national), qu’ils doivent mettre à jour tous les cinq ans. De plus, toutes les nations sont appelées à s’associer à cette cause commune.  

Cet accord ambitieux vise notamment à contenir l'élévation de température sous les 2 °C (par rapport à l'ère préindustrielle) et même à limiter cette élévation de température à 1,5 °C.  « La température mondiale se stabilisera lorsque les émissions de dioxyde de carbone atteindront des émissions nettes nulles, explique Philippe Drobinski, directeur du centre Energy4Climate de l’Institut Polytechnique de Paris (IP Paris). Pour un seuil de réchauffement de 1,5°C, cet objectif de neutralité doit être atteint au début des années 2050 ».

La déclinaison aux différents échelons

Compte tenu des réductions plus faibles requises des pays en voie de développement pour leurs émissions de gaz à effet de serre, les pays développés sont appelés à atteindre la neutralité le plus rapidement possible. Ainsi, l'Union européenne s'est-elle engagée à réduire ses émissions de 80 à 95 % d'ici à 2050, par rapport aux niveaux de 1990, bien mieux que les 50 % de réduction prévus pour les émissions mondiales de GES dans l’Accord de Paris. Comme le souligne Patricia Crifo, professeure d’économie à l’École polytechnique (IP Paris), « de plus en plus de pays s’engagent à atteindre des objectifs d’émissions nettes nulles (zéro émission nette) vers le milieu du siècle et à renforcer leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) d’ici à 2030 ».

Néanmoins, les avancées ne sont pas toujours à la hauteur des engagements. Patricia Crifo résume la situation : « chaque pays passe par un processus inévitable consistant à déterminer les politiques les plus efficaces dans un contexte national et international en constante évolution. L’urgence de trouver des solutions ne cesse de croître, et si les pays ont certainement fait preuve de progrès dans leurs actions et leurs ambitions, les engagements nationaux actuels en matière de climat ne sont toujours pas suffisants pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. En outre, alors que les pays doivent « augmenter » leurs engagements, beaucoup d’entre eux ont du mal à atteindre leurs objectifs actuels ».

« D’autant, avertit Rajendra Shende, fondateur et directeur de Green TERRE Foundation, ancien directeur du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), que si les engagements financiers pris par les pays développés envers les pays en développement, soit un total cumulé de 1000 milliards de dollars entre la COP15 et la COP27, ne sont pas tenus, l’agenda climatique n’avancera pas ».

Transition énergétique, taxe et marchés carbone, finance verte, implication de la société civile, l’action climatique est protéiforme. Retrouvez ces thématiques lors du Colloque REFLEXIONS qui aura lieu le 9 juin prochain sur le campus de l’Institut Polytechnique de Paris.