Institut Polytechnique de Paris
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[REFLEXIONS] La transition vers des sociétés bas carbone

Le 07 juin. 2023
Enjeu universel, la lutte contre le réchauffement climatique impose la transition vers la neutralité carbone au plus tard d'ici à la fin du siècle. L'atteinte de cet équilibre entre émissions et absorptions anthropiques de gaz à effet de serre passe par une transformation fondamentale des modes de production et de consommation. Cette transition exige l'implication coordonnée des pouvoirs publics, du secteur privé et de la société civile.
[REFLEXIONS] La transition vers des sociétés bas carbone

Des engagements aux stratégies nationales  

Face à l'urgence climatique, chaque pays signataire de l’Accord de Paris est tenu d’établir et de mettre à jour tous les cinq ans la « Contribution Déterminée au niveau National », fixant ses objectifs en termes de réduction des émissions et à d'adaptation aux effets des changements climatique.  Atteindre ces objectifs nécessite d'actionner tous les leviers : techniques, économiques, sociaux et politiques, car le sujet est éminemment transversal. Cela implique donc de mobiliser tous les acteurs de la société, en favorisant la collaboration et l'innovation, tout en veillant à la cohérence des politiques à tous les échelons et en prenant en compte les sujets connexes tels que biodiversité, gestion de l’eau, prévention des catastrophes, agriculture, etc.   

« Le suivi et l'évaluation des CDN sont la clé du succès de l'Accord de Paris. Or, comptabiliser de manière correcte et cohérente les émissions reste encore un défi, faute de normalisation en la matière, regrette Ekaterina Ghosh, étudiante au Master Economics for Smart Cities and Climate Policy à l’École polytechnique (IP Paris). C'est ce à quoi s'attaque l'OCDE avec l'indicateur IPAC  (Programme international pour l’action sur le climat) ». Les outils d'évaluation des politiques et d’information sur les résultats et les meilleures pratiques de l'IPAC complètent les cadres de suivi de la CCNUCC et de l’Accord de Paris et facilitent également la coordination de l'action climatique.  

En France comme dans de nombreux pays, l'engagement d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 se traduit par une Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), feuille de route pour la transition vers une économie décarbonée, circulaire et durable. Depuis sa première édition de 2015, la SNBC s'appuie sur un inventaire national des gaz à effet de serre (GES), qui recense les émissions par grands secteurs d’activité. Elle fixe des budgets carbone incitant à la réduction des émissions de GES et identifie également les besoins en innovation et les verrous technologiques associés. « Ses quatre principaux objectifs sont :  

  • décarboner complètement l’énergie utilisée à l’horizon 2050 (à l’exception du transport aérien) ; 
  • réduire de moitié les consommations d’énergie dans tous les secteurs d’activité, en développant des équipements plus performants et en adoptant des modes de vie plus sobres et plus circulaires ; 
  • réduire au maximum les émissions non énergétiques, issues très majoritairement du secteur agricole et des procédés industriels ;  
  • augmenter et sécuriser les puits de carbone, c’est-à-dire les écosystèmes naturels et les procédés et les matériaux capables de capter une quantité significative de CO2 : sols, forêts, produits issus de la bioéconomie (paille, bois pour la construction…), technologies de capture et stockage du carbone. » 

La transition énergétique 

Au niveau mondial, la production d’électricité représente à elle seule le premier poste d'émission de CO2, via la combustion d'énergies fossiles. C'est dire le poids du secteur énergétique et l'importance de la transition énergétique. 

« Limiter le réchauffement climatique nécessite des transitions majeures dans le secteur de l’énergie, impliquant une réduction substantielle de l’utilisation des combustibles fossiles, une électrification généralisée, une efficacité énergétique améliorée et l’utilisation de combustibles alternatifs »  affirme Philippe Drobinski, directeur du Centre Interdisciplinaire Energy4Climate (E4C) de l'Institut Polytechnique de Paris.  

L'intégration des énergies renouvelables est en effet l'un des enjeux clés de la transition. Elle concourt à la réduction de l’usage des combustibles fossiles et à la décarbonation des transports, du chauffage et de la climatisation, notamment via l'électrification de ces secteurs. Cette transition sous-entend le recours au stockage de l'énergie électrique produite par des sources souvent intermittentes (éolien, solaire), au travers de batteries ou de vecteurs tels que l'hydrogène. Interviennent également les réseaux intelligents (smart grids), afin de mieux gérer l'adéquation entre l'offre et la demande, en introduisant de la flexibilité et une meilleure anticipation des fluctuations de la demande. 

« Les énergies renouvelables ont toutefois des externalités environnementales telles que la consommation de matières premières pour la construction des équipements ou une empreinte au sol supérieure à celle des énergies centralisées. Cela va engendrer des conflits d'usage, par exemple entre les bioénergies et l'agriculture. Toutes ces questions sont complexes et requièrent une vision globale et trans-sectorielle de toutes les transitions en cours. De plus, elles font intervenir plusieurs niveaux de décision, comme les plans de transition territoriaux, qui devront être mis en cohérence avec les stratégies nationales, souligne Philippe Drobinski.  

Les outils permettant de faire face à ces défis n'existent pas actuellement, tant sur le plan de la modélisation que de la gouvernance. L'E4C s’attelle à ces chantiers, par exemple en explorant des solutions telles que l’agrivoltaïsme, qui pourrait apporter une réponse aux conflits d'usage des sols en co-localisant production énergétique et production agricole, tout en permettant la préservation des ressources en eau ».    

D’autres solutions techniques telle la séquestration du CO2 sont également mises en œuvre. Mais la sobriété est inévitable.  « À ce titre, les 10 % d'économies d'énergie réalisés cet hiver ne sont pas assez mis en avant, selon Philippe Drobinski. L'acceptabilité sociale est également un point qu'il ne faut pas sous-estimer, car sans elle, les évolutions sont vouées à l'échec, comme l'a montré l'épisode du rejet de la taxe carbone sur les transports routiers. Cela exige de la méthode et de la pédagogie ».  

C’est pourquoi la transition et la gouvernance climatique motivent des recherches intégrant les sciences humaines et sociales, en particulier à l'Institut Polytechnique de Paris.

Transition énergétique, taxe et marchés carbone, finance verte, implication de la société civile, l’action climatique est protéiforme. Retrouvez ces thématiques lors du Colloque REFLEXIONS qui aura lieu le 9 juin prochain sur le campus de l’Institut Polytechnique de Paris.