Institut Polytechnique de Paris
Ecole Polytechnique ENSTA Ecole des Ponts ENSAE Télécom Paris Télécom SudParis
Partagez la page

Quantum-Saclay : rassembler autour du quantique

Le 30 avr. 2025
Sur le Plateau de Saclay, les membres fondateurs de Quantum-Saclay créent des synergies entre les différents acteurs locaux du quantique. Parmi eux, l’Institut Polytechnique de Paris contribue à cette dynamique grâce aux spécificités de ses écoles en physique quantique mais aussi en information et communication quantiques. L’établissement propose des axes de recherches novateurs, des formations de pointe ainsi qu’un pont entre milieux académique et économique.
Quantum-Saclay : rassembler autour du quantique
Détail d'une machine quantique, laboratoire QCMX (Quantum Circuits and Matter Lab)©Jeremy Barande - École polytechnique

Laboratoires, étudiants, industriels, startups…le Plateau de Saclay abrite un véritable écosystème autour du quantique et joue dans la cour des grands dans ce domaine. « Quantum-Saclay est un centre de recherche, de formation et d’innovation, interdisciplinaire qui aspire à fédérer l’ensemble de ces forces. Il les structure et leur donne une visibilité à l’échelon régional », explique Laurent Sanchez-Palencia, directeur adjoint du centre Quantum-Saclay et chercheur au sein du Centre de physique théorique (CPHT*) de l’École polytechnique

Recherche de pointe

Si la science quantique évolue naturellement dans le milieu de la physique (optique, physique des solides, physique atomique…), elle gagne d’autres domaines comme l’informatique. Dans cette dernière discipline, les chercheurs utilisent les propriétés du quantique pour construire de nouveaux types d’algorithmes ou aborder les communications autrement. C’est le cas de l’équipe de recherche Quriosity commune à l’Inria et à l’Institut polytechnique de Paris, qui se concentre sur le traitement quantique de l’information ainsi que sur les aspects théoriques et expérimentaux des communications quantiques. « Nous développons par exemple de nouveaux systèmes de communication pour les réseaux quantiques sur lesquels nous élaborons également une cryptographie hybride alliant méthode computationnelle classique et méthode quantique », souligne Romain Alléaume, enseignant-chercheur à Télécom Paris, issu du Laboratoire traitement et communication de l’information (LTCI**).

Parallèlement, d’autres équipes de recherche de l’Institut Polytechnique de Paris s’attachent à comprendre la physique fondamentale de certains matériaux mais également à les contrôler dans le but de leur faire réaliser des tâches quantiques. « Bien que la recherche fondamentale reste notre cœur de métier, nous nous ouvrons également à une recherche plus appliquée afin d’établir un dialogue entre les acteurs des mondes industriel et académique », précise Laurent Sanchez-Palencia. Une orientation d’autant plus pertinente que certaines entreprises du Plateau développent des machines quantiques de plusieurs centaines de qubits (ndlr : le qubit est l’unité de stockage de l’information quantique et permet de traiter une quantité de données sans commune mesure avec le bit informatique classique) faisant appel à des connaissances souvent cantonnées aux laboratoires. « Dans ce cadre, nous collaborons avec des entreprises comme Eviden, EDF ou Pasqal afin de traiter des cas concrets - des use cases - à l’aide de ces machines. Il s’agit souvent de simulateurs quantiques (sorte d’ordinateurs quantiques simplifiés) qui nous permettent de comprendre les propriétés fondamentales de systèmes en interaction ». Ces use cases visent notamment à résoudre des problèmes complexes d’optimisation de réseaux qui peuvent se poser à des entreprises comme EDF ou la SNCF. Le quantique, grâce à ses phénoménales capacités d’encodage et de traitement de l’information procurées par les qubits ouvre ainsi de nouvelles perspectives.

Un pont entre les disciplines 

Toutefois, ces machines ne sont pas des systèmes parfaits et sont sensibles aux phénomènes de décohérence (ndlr : la décohérence correspond au phénomène dans lequel un système interagissant avec son environnement perd son comportement quantique). « L’enjeu est de proposer des algorithmes et des protocoles quantiques qui permettront d’exploiter au mieux leurs capacités tout en tenant compte de leurs limites physiques », souligne Laurent Sanchez-Palencia.

C’est là qu’intervient Marc-Olivier Renou et l’équipe de recherche PhIQuS (commune à l’Inria, au LIX***, au CPHT et au CNRS) à laquelle il appartient. Le scientifique tend un pont entre l’informatique et la physique dans le domaine de l’information quantique. « Notre positionnement très particulier fait notre singularité », souligne le chercheur. Marc-Olivier Renou décortique les systèmes quantiques qu’il est possible de simuler et les avantages que les scientifiques peuvent espérer en obtenir d’un point de vue informationnel. « Le dialogue entre ces deux mondes est essentiel pour se comprendre et développer des sujets d’intérêt. Inutile de créer des objets ou des expérience physiques poussés s’ils n’ont pas d’application informationnelles ou algorithmiques. À l’inverse, lorsque l'on développe des algorithmes, il est important de garder en tête les possibilités techniques actuelles », ajoute le théoricien. 

Cette expertise conduit Marc-Olivier Renou à prendre notamment part, aux côtés du Centre interdisciplinaire d'étude pour la défense (CIEDS) et en collaboration avec les Nokia Bell Labs, à un projet porté par Quantum-Saclay sur les limites du calcul distribué. Cette technique concerne les objets communiquant ensemble pour trouver un protocole aboutissant à un comportement collectif donné. « C’est le cas des drones ou des téléphones portables par exemple. Il s’agit de comprendre, par le biais d’une recherche très fondamentale, ce qui se passe lorsque le fonctionnement et les communications entre ces objets est basé sur des principes quantiques »

Former les futurs acteurs du quantique

Outre la recherche, les savoir-faire des équipes de l’Institut Polytechnique de Paris ouvrent la voie à des parcours de formation dont Quantum-Saclay a permis le financement via le Plan national quantique. Romain Alléaume, Marc-Olivier Renou ainsi qu’une vingtaine de chercheurs et enseignants-chercheurs collaborent à la construction d’un master 2 Quantique, Mathématiques, Informatique (QMI), coordonné par Télécom Paris, CentraleSupelec, l’École polytechnique et l’université Paris-Saclay. « Nous proposons de former des bacs + 5 avec un profil mathématiques-informatique, répondant aux besoins des entreprises du Plateau de Saclay. Cette formation s’inscrit dans la continuité de la spécialité Quantum Engineering proposée depuis 8 ans par Télécom Paris à ses 3e années », explique Romain Alléaume. « Nombre de nos étudiants poursuivent d’ailleurs par des thèses et s’insèrent dans l’écosystème local avec une solide plu value en recherche, notamment dans les startups ». L’Institut Polytechnique de Paris forme ainsi des étudiants, de futurs scientifiques et de futurs collaborateurs très recherchés par les laboratoires et les entreprises du Plateau de Saclay

L’équipe Quriosity est également impliquée dans le diplôme inter-établissement ARTeQ (coordonné par l’ENS Paris-Saclay) dédié à la recherche en technologies quantiques. Romain Alléaume et ses collègues apportent leur expertise en physique, informatique et cryptographie quantiques dans le cadre de cette année de césure accessible au niveau master.

Parallèlement, l’École polytechnique propose des parcours d’approfondissement à ses élèves de 3e année du cycle ingénieur. Un parcours sciences et technologies quantiques, dépendant du département de physique, et un parcours informatique quantique, dépendant du département d’informatique ont ainsi été créés. « Un PhD track attire également les meilleurs étudiants dès le M1 dans un programme intégré master-doctorat en 5 ans afin de les immerger rapidement dans un laboratoire de recherche du domaine », souligne Laurent Sanchez-Palencia. 

Par ailleurs, les établissements membres de Quantum-Saclay œuvrent ensemble dans une dynamique de création de travaux pratiques permettant aux étudiants d’accéder à des expériences spécifiques comme la production de photons intriqués ou les mesures de violation des inégalités de Bell. Enfin, Quantum Saclay finance des appels à projets pour des thèses mais également pour la mise en place de stages en laboratoire. « Cela peut paraitre anodin mais c’est un moyen d’attirer les talents en amont d’une thèse. Si le stage est intéressant et se passe bien, l’étudiant a envie de rester et enrichit la communauté », conclut le physicien du CPHT.
 

A propos de Romain Alléaume 

Romain Alléaume est diplômé de l’ENS Paris. Il a obtenu son doctorat à l’Université Paris VI et à l’ENS Cachan en 2004, sur la cryptographie quantique expérimentale avec des sources à photon unique. Il a été co-lauréat du prix scientifique 2004 du magazine La Recherche. Il a ensuite rejoint Télécom Paris pour coordonner les travaux sur les réseaux QKD (distribution quantique de clefs – quantum key distribution – technologie impliquée dans la sécurisation des communications sensibles) réalisés dans le cadre du projet européen SECOQC.  Ce dernier a abouti à la première démonstration d’un réseau QKD en Europe. Romain Alléaume a également co-fondé la start-up SeQureNet en 2008, qui a développé le premier produit commercial de QKD à variables continues, Cygnus, sorti en 2012. Il a participé à deux projets nationaux sur la distribution de clés quantiques, PROSPIQ (2006-2009) et SEQURE (2007-2010), ainsi qu’au projet franco-canadien FREQUENCY consacré à la recherche fondamentale sur la cryptographie quantique. Romain Alléaume a ensuite coordonné des projets nationaux et européens, en mettant l’accent sur la sécurité de l’implémentation des QKD (FP7 Q-CERT, 2008-2012) et sur l’intégration optique des QKD dans les réseaux de télécommunications (ANR français Quantum-WDM, 2012-2015). Il est également membre du groupe de normalisation industrielle QKD de l’ETSI, et contribue activement à l’effort scientifique et technique international sur la technologie QKD et la cryptographie quantique.

>> La page personnelle de Romain Alléaume

>> Romain Alléaume sur Google Scholar 

A propos de Laurent Sanchez-Palencia 

Laurent Sanchez-Palencia est Directeur de Recherche CNRS au Centre de Physique Théorique,professeur à l'École Polytechnique et Directeur Adjoint du Centre Quantum-Saclay. Diplômé de l'Ecole Polytechnique (1999), il est titulaire d’un Master de Physique Quantique de l'École Normale Supérieure (2000) et d’un Doctorat en Physique Quantique effectué au Laboratoire Kastler-Brossel (2003). Après un séjour post-doctoral à l'Institut de Physique Théorique de Hanovre (2003-2004), Laurent Sanchez-Palencia a travaillé à l'Institut d'Optique pendant une douzaine d'années (2004-2016) avant de rejoindre l'École Polytechnique en 2016. Il y dirige l'équipe Matière Quantique qu’il a créée en 2006. Ses travaux de recherche portent sur la théorie des systèmes quantiques à N corps, la simulation quantique et les gaz quantiques ultrafroids. Ses travaux sur la théorie des gaz quantiques ont été récompensés par une bourse Humboldt (2003), une bourse ANR jeune chercheur (2010), une bourse du Conseil européen de la recherche (2011) et le prix Leconte de l'Académie des sciences (2012). A l'École Polytechnique, Laurent Sanchez-Palencia enseigne l’optique quantique et l’information quantique. Il est également en charge du développement du quantique à l'Institut Polytechnique de Paris.

>> La page personnelle de Laurent Sanchez-Palencia

>> Laurent Sanchez-Palencia sur Google Scholar

A propos de Marc-Olivier Renou 

Marc-Olivier Renou est un théoricien travaillant dans le domaine de la science de l'information quantique. Ses recherches portent sur l'étude des corrélations quantiques, les réseaux quantiques, l'informatique quantique distribuée, le traitement de l'information quantique indépendant des dispositifs et l'optimisation polynomiale non commutative pour la mécanique quantique. Depuis février 2023, Marc-Olivier Renou occupe une chaire de professeur junior à l'INRIA Saclay affiliée au Centre de Physique Théorique (CPHT) de l'Ecole Polytechnique. Il est également le co-créateur d’une équipe-projet INRIA en théorie de l'information quantique, à l'interface entre la physique et l'informatique. Auparavant, Marc-Olivier Renou a été boursier Marie Curie de 2020 à janvier 2023 (financée par l'Espagne via le fonds de relance de l'UE) et Early Postdoc.Mobility fellow (financée par la Suisse) à l'Instituto de Ciencias Fotónicas (ICFO, Barcelone), dans le groupe de théorie de l'information quantique dirigé par Antonio Acín. Il réalise un long séjour de recherche à l'ETH Zürich durant l'été 2022, dans le groupe de théorie de l'information quantique dirigé par Renato Renner. Il effectue son doctorat en 2015-2019 sous la direction de Nicolas Gisin à l'Université de Genève.

>> La page personnelle de Marc-Olivier Renou
>> Marc-Olivier Renou sur Google Scholar 

 

*CPHT : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, 91120 Palaiseau, France

**LTCI : un laboratoire de recherche Télécom Paris, Institut Polytechnique de Paris, 91120 Palaiseau, France

***LIX : Laboratoire d'informatique de l'École polytechnique, une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, 91120 Palaiseau, France