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Prix de thèse DGA : L’utilisation de plasmas froids pour soigner les brûlures

Le 01 déc. 2021
Constance Duchesne a été récompensée par un prix de thèse de la Direction générale de l’armement pour ses travaux sur le traitement par plasma froid pour la cicatrisation et la désinfection des brûlures de la peau.
Prix de thèse DGA : L’utilisation de plasmas froids pour soigner les brûlures

Soignera-t-on dans un futur proche des brûlures sévères grâce aux plasmas ? Constance Duchesne a exploré cette question, actuellement au stade de la recherche fondamentale, lors de sa thèse effectuée entre le Laboratoire de physique des plasmas (LPP*) et l’Institut de recherche biomédical des armées (IRBA). Ce travail a été mené dans le cadre du programme PlasmaSkin, co-financé par l’École polytechnique et sa fondation, ainsi que l’Agence Innovation Défense de la Délégation générale de l’armement (DGA), qui vient de récompenser Constance Duchesne d’un prix de thèse.

Le plasma est un état de la matière dans lequel une partie des électrons sont détachés des atomes autour desquels ils orbitent en temps normal. Les plasmas forment par exemple l’intérieur des étoiles, ou encore les éclairs. Mais il existe également des plasmas froids, à pression et température ambiante, qui servent d’outil pour les recherches en « médecine plasma », un domaine récent où des études ont déjà été menées pour le traitement de certains cancers, en particulier par Antoine Rousseau, physicien au LPP qui a dirigé la thèse de Constance Duchesne.

« L’intérêt des plasmas pour la cicatrisation était déjà un peu connu, mais rien n’avait été étudié dans le cas des brûlures sévères, qui ne guérissent pas spontanément » précise la chercheuse. Avec un double diplôme d’ingénieur en chimie et biologie, elle a donc initié cette thématique en s’appuyant sur un dispositif plasma précédemment développé au LPP. Un générateur produit un plasma d’hélium qui se matérialise par un filament violet qui s’étend en sortie d’un petit tube sur une dizaine de millimètre dans l’air. Ce n’est pas tant l’hélium en lui-même, mais les molécules créées par l’interaction entre le plasma et l’azote et l’oxygène de l’air qui sont importantes. « Ces molécules, les espèces réactives de l’oxygène et de l’azote, comme l’oxyde nitrique, le peroxyde d’oxygène ou le radical hydroxyle, sont naturellement produites par les cellules.  Elles vont donc réagir. Mais il faut leur apporter juste la bonne quantité, ni plus, ni moins » explique Constance Duchesne.

Elle a d’abord conduit des expériences sur des liquides afin d’optimiser les paramètres comme le temps et la distance de traitement, en les corrélant avec la production d’espèces chimiques, des mesures impossibles à réaliser in vivo. Elle a poursuivi avec des études sur de cellules de peau (fibroblastes et kératinocytes) et sur les cellules endothéliales qui forment les vaisseaux sanguins afin d’étudier en particulier comment celles-ci se multiplient et migrent comme lors d’une cicatrisation. Enfin, des expériences chez la souris sur la cicatrisation de brûlures sévères traitées par greffe de peau puis par plasma froid ont montré de très bons résultats sur l’angiogenèse, c’est-à-dire la revascularisation indispensable au succès de la greffe, mais également sur la reconstruction de la matrice de protéines qui  entoure et soutient les cellules. « En plus de ces études in vivo, nous avons aussi effectué des études mécanistiques afin de comprendre ce qu’il se passe au niveau de la machinerie des cellules ».

Constance Duchesne a également collaboré avec l’Institut Pasteur afin de mesurer à quel point le traitement plasma pouvait, en plus de la cicatrisation, limiter les infections aux staphylocoques dorés qui sont fréquentes lors des brûlures sévères. Ce traitement se révèle moins efficace qu’un antibiotique, mais permet d’aider à contrôler l’infection et de sauver la greffe de peau. Enfin, la chercheuse a démontré que le traitement par plasma favorise l’activation des macrophages, des cellules du système immunitaire en première ligne lors d’infection bactériennes. C’est une grande source de satisfaction pour la chercheuse, car cette action sur l’immunité n’avait jamais été mis en évidence. « J’ai effectué ces dernières expériences car il me restait un peu de temps disponible à l’Institut Pasteur. Ce que l’on découvre un peu sur le côté est parfois le plus intéressant ! ». Ces recherches prometteuses se poursuivent tandis que Constance Duchesne continue sa carrière en tant qu’ingénieure de recherche au sein de la société l’Oréal.

*LPP : une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris, Observatoire de Paris, Sorbonne Université, Université Paris-Saclay