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Des structures particulières de l’ADN éclairent l’évolution du virus de l’hépatite B

Le 06 Juil. 2023
Une collaboration franco-tchèque impliquant le Laboratoire d’optique et biosciences vient de réaliser la première analyse de présence de structures particulières de l’ADN, les G-quadruplexes, dans des génomes anciens du virus de l’hépatite B dont certains remontent à 10 000 ans. Cette étude révèle que la proportion en G-quadruplexes de ces génomes a augmenté au fil des millénaires, pour devenir proche de celle du génome humain actuel.
Des structures particulières de l’ADN éclairent l’évolution du virus de l’hépatite B

Le virus de l’hépatite B (VHB) entretien une histoire ancienne avec l’humanité, qu’il devient possible de retracer grâce aux progrès récents de la paléogénomique, l’étude de l’ADN ancien. En 2019, un article publié dans Science étudiait les génoes de plusieurs souches anciennes du VHB retrouvés sur des ossements humains, dont les plus anciens remontaient à 10 000 ans. En analysant ces mêmes séquences à la recherche de structures inhabituelles de l’ADN, une équipe franco-tchèque incluant Jean-Louis Mergny, directeur de recherche Inserm au Laboratoire d’optique et biosciences (LOB*), apporte un nouvel éclairage sur cette co-évolution dans la revue Nucleic Acids Research.

Comme celui des êtres humains, le génome du VHB est constitué de deux brins d’ADN. Cet ADN adopte généralement la forme d’une double hélice. Mais parfois, d’autres configurations peuvent apparaître, comme les G-quadruplexes. « Ces structures forment en quelque sorte des nœuds dans le génome, et peuvent jouer aussi bien un rôle positif de régulateur qu’un rôle négatif d’obstacle à la réplication de l’ADN » explique Jean-Louis Mergny. Il reste beaucoup à comprendre de ces motifs se retrouvent dans le génome de presque tous les organismes, des êtres humains au virus du SIDA, en passant par les vers de la famille des helminthes. Le VHB ne fait pas exception.

La nouvelle étude ­– menée grâce un algorithme bioinformatique mis au point par l’équipe – révèle que la fréquence de ces motifs dans le génome du VHB a évolué depuis 10 000 ans. Elle est passé en moyenne de 1,5 G-quadruplex pour 1000 bases ADN dans les souches anciennes à 1,9 pour 1000 bases en moyenne pour les souches récentes. C’est la première étude paléogénomique de ces structures inhabituelles de l’ADN. De plus, cette fréquence dans les souches modernes est très proche de celle des G-quadruplexes dans le génome humain actuel (1,93 pour 1000 bases). Les chercheurs formulent l’hypothèse qu’il y aurait eu une convergence évolutive : des souches de VHB avec un nombre plus important de G-quadruplexes aurait été sélectionnées par l’évolution pour conférer un « camouflage » génétique permettant au virus de passer inaperçu dans l’organisme tout en bénéficiant de la machinerie cellulaire pour se répliquer.

« Cette observation est en phase avec le fait que l’hépatite B provoque une infection chronique, s’étalant sur des années, où le génome du virus doit co-habiter avec celui de l’hôte dans le noyau de la cellule, ajoute Jean-Louis Mergny. On remarque une tendance opposée chez d’autres virus qui causent une infection aigue, comme le SARS-CoV-2, dont les souches présentent moins de G-quadruplexes que d’autres virus de la même famille. » Pour ces virus, dont le succès dépend d’un taux de réplication très rapide, les G-quadruplexes serait en frein, et la pression de sélection serait au contraire à la baisse. Cet article ouvre la voie à des études d’ « archéovirologie » similaires sur les génomes d’autres pathogènes.

 

*LOB : une unité mixte de recherche CNRS, Inserm, École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, 91120 Palaiseau, France
Ces recherches ont été menées en collaboration avec l’Institut de biophysique de l’Académie des sciences de République Tchèque.