Opération CIEDS 2025 : une technologie révolutionnaire pour la reconstruction de la mâchoire des blessés de guerre

Mécanique du vivant et ingénierie médicale  

Au sein du laboratoire Mécanique et ses Interfaces (LMI), Jean Boisson, enseignant-chercheur, étudie les interactions entre les systèmes complexes et biologiques et le champ magnétique. À partir de 2016, il travaille sur DOGMA puis VIVODOGMA, des projets, financés respectivement par la Fondation des Gueules Cassées et par la SATT Paris-Saclay. Ces projets visent à mettre au point un prototype de dispositif médical permettant d’allonger un os de la mâchoire à l'aide d'un couple d’aimants. Ce dispositif est appelé distracteur mandibulaire magnétique et sera utilisé notamment dans le cas de malformations faciales ou pour des patients ayant subi des accidents de la route entraînant une perte importante de substance osseuse. L’application de cette technique chirurgicale n’est cependant pas limitée à la mâchoire, mais pourrait être employée sur la plupart des os du corps par des dispositifs reprenant un principe similaire. Jean Boisson développe alors avec ces projets une expertise dans le domaine de la mécanique du vivant et de l'ingénierie médicale, s’intéressant plus particulièrement aux propriétés biomécaniques des tissus impliqués dans la distraction ostéogénique, c’est-à-dire la distraction des plaques osseuses de manière générale. 

Le projet DOGMA ouvre alors de nombreuses voies d’exploration autour de la distraction ostéogénique et de la reconstruction osseuse. Le ministère des Armées, à travers l’Agence d'innovation de défense (AID), s’intéresse à cette problématique et subventionne plusieurs projets de Jean Boisson : 

• Une thèse, se déroulant entre 2022 et 2025, porte sur l’étude de l’adhésion du périoste à l’os, le périoste étant le tissu recouvrant l’os et chargé d’une partie de sa vascularisation. 

• Pendant le projet DOGMA, les tests sur sujets anatomiques se sont révélés parfois complexes pour reproduire les bonnes propriétés mécaniques. Dans le cadre du projet SIMFACE, subventionné de 2021 à 2023, l’objectif est de simuler en impression 3D les propriétés des tissus de la face afin de réaliser des répliques avec une haute fidélité de l’impact d’un accident ou d’une opération chirurgicale sur le visage. 

• Le distracteur mis au point dans le cadre de ces recherches nécessite l’implantation sur l’os d’un aimant permanent qui génère un champ magnétique tout au long de la procédure (plusieurs mois). L’étude de l’impact du champ magnétique sur les cellules et sur la cicatrisation osseuse (ou remodelage) est donc capitale. C’est l’objectif du projet MAGBONE et d’une thèse subventionnée par l’AID et le centre E4H depuis 2024. 

Venir en aide aux blessés de guerre défigurés 

En 1921, Albert Jugon, Bienaimé Jourdain et le Colonel Picot fondent l’association Les Gueules Cassées dans l’objectif de venir en aide aux blessés défigurés à l’issue de la Première Guerre mondiale. En 2001, la Fondation des Gueules Cassées voit le jour. Dans la continuité de l’association créée en 1921, elle soutient des institutions de toute nature qui se dévouent aux traumatismes de la face et de la tête, et leurs séquelles, ainsi qu’aux pathologies liés aux malformations, aux tumeurs ou aux maladies dégénératives altérant les fonctions cérébrales. 

La Fondation des Gueules Cassées finance notamment les recherches de la docteure Natacha Kadlub. La chirurgienne œuvre entre autres au développement de distracteur moins intrusifs pour ses patients. Historiquement, les distracteurs utilisés étaient externes. Ils étaient composés de tiges traversant la peau jusqu’à l’os et reliées à une barre extérieure qui permettait d’activer la distraction, autrement dit l’allongement de l’os. Dans un souci de bien-être des patients, le docteur Patrick Diner et la professeure Marie-Paul Vazquez ont mis en œuvre un distracteur internalisé, à l’exception de la tige d’activation qui sortait toujours de la peau. De là est né le projet DOGMA auquel prennent part Natacha Kadlub et le Jean Boisson. 

Une chirurgie prometteuse à la croisée des disciplines 

Le projet DOGMA a débuté il y a presque 10 ans, avec pour objectif de pouvoir réaliser une distraction qui puisse être activée uniquement par un aimant, ce qui permettrait d’internaliser complètement le dispositif médical. 

Au début du projet, Natacha Kadlub a défini les contraintes auxquelles le dispositif devait répondre : il doit être biocompatible et d’une taille raisonnable. Jean Boisson était chargé de concevoir le dispositif à partir de ces contraintes. Selon le chercheur, le plus gros challenge est de « transformer cette tige en une structure d’aimant suffisamment puissante pour réaliser l’activation magnétique, tout en limitant son encombrement pour une utilisation clinique ». Jean Boisson a tout d’abord réalisé des dimensionnements d’aimant avant de trouver les bons alliages permettant de résister aux différentes contraintes de stérilisation. Émilie Su, étudiante à l’ENSTA, a également contribué au projet en créant, avec l’aide de Corinne Rouby, enseignante-chercheuse à l’ENSTA, un modèle analytique permettant de calculer le couple mécanique transmis entre deux aimants. Des étudiants de l’École polytechnique ont également apporté leur contribution en réalisant des tests sur les os.

Après plusieurs années de recherche, les scientifiques ont mis au point un dispositif composé d’un aimant interne et d’un aimant externe plus grand. Le patient ou le parent n'aurait alors plus besoin de tourner une tige avec un tournevis, manœuvre particulièrement intrusive et anxiogène, mais peut simplement déplacer l'aimant externe pour activer la distraction. Ce nouveau dispositif favorise une meilleure acceptation psychologique. L’activation à distance permet de réduire considérablement la douleur. Un traitement moins douloureux peut être réalisé plus souvent, ce qui entraîne une meilleure cicatrisation et une consolidation osseuse plus efficace. Jean Boisson et Natacha Kadlub sont par ailleurs lauréats du prix de la Fondation des Gueules Cassées 2024 pour le développement de cette technologie au futur prometteur. Des essais cliniques seront réalisés entre 2026 et 2027.

Impacts sur la défense à Opération CIEDS 2025

Le jeudi 3 juillet 2025 à Opération CIEDS 2025, participez à la journée dédiée à la défense et la sécurité ! La thématique « Santé, biologie, NRBC » sera à l’honneur lors de cette journée.